Vingt membres avaient souscrit à la proposition de sortie en presqu’île guérandaise offerte aux membres et aux amis de l’Académie, à la demande Dominique Pierrelée, son chancelier. Ils se sont donc retrouvés jeudi matin 11 mai, à 10h00, au rendez-vous fixé près de l’ancienne Criée, sur le port du Croisic, devant la statue de Pierre Bouguer.
Né dans la localité, ce mathématicien, physicien et hydrographe, fut le compagnon de Charles Marie de La Condamine dans son expédition vers le Pérou en 1735. Auteur du magistral Traité du navire publié en 1746, l’Académie des sciences distingua en 1727 son étude sur « La meilleure manière de former et distribuer les mâts des bateaux » ainsi que sa « méthode d’observation de l’altitude des étoiles en mer ».
Son père, Jean Bouguer, navigua pendant dix ans sur les navires du roi. Blessé au combat de la baie de Bantry en Irlande le 11 mai 1698, il perdit une jambe et fut nommé professeur de pilotage à l’école d’hydrographie du Croisic. On lui doit un Traité complet de navigation, réimprimé en 1706.
Visite commentée du Croisic
Laurent Delpire, Directeur du patrimoine et de l’urbanisme à la Ville du Croisic, Conservateur des Antiquités et Objets d’Art de Loire-Atlantique, accueillit le groupe et évoqua lors d’une promenade dans les rues de la ville les aspects les plus remarquables de la cité et sa riche histoire maritime.
Cette déambulation instructive, émaillée de nombreuses anecdotes, se termina en fin de matinée dans les jardins de l’hôtel de ville, occasion d’admirer le canon de 24 en bronze du Soleil Royal qui s’y trouve. Cette pièce d’artillerie de 24 provient du vaisseau amiral de la flotte de Brest (80 canons), sabordé le 21 novembre 1759 pendant la fâcheuse bataille des Cardinaux, dont l’épave fut retrouvée en 1955.
Réception à l’Hôtel de ville
Jacques Bruneau, ex-procureur de la République, premier adjoint au maire du Croisic, délégué à la Culture et aux Animations, attendait à la mairie la délégation. Lors d’une courte allocution, il rappela les liens sympathiques qui se sont établis de longue date entre la municipalité et l’académie. Il en donnait pour exemples les plus significatifs la contribution décisive de Jean-Yves Paumier à la programmation du salon du livre Plumes d’Equinoxe en septembre, notre présence par un stand et la participation de deux membres au jury du prix attribué à cette occasion.
Axé sur les produits de la mer, le déjeuner fut ensuite servi au restaurant La Bretagne, établissement croisicais longtemps tenu par Pierre Coïc, successeur d’Auguste (son père qui ouvrit l’établissement en 1938). Musicien dans l’âme, ce dernier vouait une prédilection au violon — il en possédait 11 — ce qui ne l’empêchait pas de jouer également du saxophone et de la clarinette. Sous le pseudonyme de Yann Breiz, il écrivit en juillet 1986 les paroles et la mélodie de la chanson Le Kurun. Au terme d’un déjeuner dans son établissement, Jacques-Yves Le Toumelin signa le 19 novembre 1960 le livre d’or de cette dédicace « Toute précipitation est un signe de faiblesse ».
Kurun et Jacques-Yves Le Toumelin
Après le déjeuner une partie des participants avait opté pour la visite du Kurun, le voilier de Jacques-Yves Le Toumelin et la visite du local de l’Association des Amis du Kurun où sont conservés les objets de navigation et différents souvenirs liés au navigateur. A bord de ce cotre à gréement aurique de 10 mètres de long, construit de 1946 à 1948, il fut le troisième navigateur français à effectuer une circumnavigation à la voile, après Alain Gerbault sur le Firecrest de 1923 à 1929, et Louis Bernicot sur Anahita de 1936 à 1938. Parti le 19 septembre 1949 du Croisic, il reçut à son retour — le 7 juillet 1952 — un accueil triomphal. Le navigateur rendit compte de sa navigation dans Kurun autour du monde, livre de chevet de toute une génération de navigateurs. Il fut par ailleurs le frère de Yahne Le Toumelin, artiste peintre élève d’André Lhote, amie de Leonora Carrington, exposée par André Breton dans sa galerie A l’étoile scellée. Elle réalisa notamment plusieurs décors de ballets pour Maurice Béjart. De son mariage avec Jean-François Revel naquit Matthieu Ricard (le moine bouddhiste) qui reconnaît devoir à son oncle l’éveil de sa spiritualité.
L’autre partie des participants à la rencontre avait choisi de monter au clocher de Saint-Guénolé, à Batz-sur-Mer, construit au XVIIème siècle. A 70 mètre de hauteur, il offre en effet une vue panoramique sur la presqu’île guérandaise, le phare du Four au large, et par-delà ce dernier la perspectives des îles morbihannaises d’Hoëdic, d’Houat et de Belle Ile.
Au musée des Marais Salants
Les deux groupes se retrouvèrent à 15h45 au Musée des marais salants, à Batz-sur-Mer, où les attendait son conservateur, Gildas Buron. Héritier du Musée des anciens costumes créé en 1887 à l’initiative d’Adèle Pichon, fille de paludiers (l’un des plus anciens musées d’Art et Traditions populaires de France), il fut visité par Léon Daudet, Anatole France, Guillaume Apollinaire ou … Mistinguett. Lors d’une passionnante visite, Gildas Buron rappela la genèse du musée et en présenta la remarquable démarche muséographique.
L’idée du musée naquit en 1875 à l’occasion du congrès de l’Association française pour l’Avancement des Sciences, tenu à Nantes. L’association avait été créée trois ans plus tôt en 1872, inspirée de la British Association. Depuis 1984 le musée, considérablement étendu, bénéficie d’un nouveau cadre dans le bâtiment édifié spécialement. Depuis 2003, il est la propriété de la communauté d’agglomération de la Presqu’île de Guérande-Atlantique (Cap Atlantique), collectivité territoriale fédérant quinze communes entre les estuaires de La Loire et de La Vilaine.
Merci, en conclusion à Jacques Bruneau, Laurent Delpire et Gildas Buron qui ont contribué de façon décisive à la qualité de cette belle journée servie par une météorologie favorable. Les liens déjà amicaux de l’Académie avec le Croisic en sortent renforcés d’une meilleure connaisance, si besoin était, de la cité et de son riche passé.