14/02/2020 : Michel Ragon nous a quittés…

Michel Ragon nous a quittés le 14 février à l’âge de 95 ans. Ses obsèques ont eu lieu le mercredi 19 février 2020 à l’église Saint-Eustache, à Paris. Il a été inhumé au cimetière du Montparnasse dans le 14e arrondissement. François Nourissier écrivit à son endroit dans le Figaro littéraire : «  Si l’érudition de Ragon est immense, elle ne cesse d’être irriguée par le sang de la misère et de la vraie vie ».

Né le 24 juin 1924 Marseille, membre de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays-de-la-Loire depuis 1989 (30 ans !), il fut écrivain, critique d’art et critique littéraire. L’une des grandes plumes de l’art d’après-guerre, il publia dans la revue Cimaise. Sur son site internet, une formule résume le sens de sa vie : « Donner une cohérence à une œuvre foisonnante allant des écrivains du peuple à l’art d’avant-garde, des racines terriennes à l’utopie architecturale. »

L’architecte et le magicien

Antimilitariste et pacifiste, libertaire, il se pencha sur la littérature prolétarienne (publiant en 1986 une Histoire de la littérature prolétarienne) et l’histoire de l’anarchie.

Une enfance vendéenne (fils d’Aristide Ragon, sous-officier colonial, et de Camille Sourisseau), une adolescence nantaise dans la pauvreté avant le grand saut vers l’aventure parisienne où il fut critique d’art, romancier, poète, et où il s’intéressa à l’architecture, résument son parcours de vie. « J’ai voulu échapper à la misère, échapper à la pauvreté, échapper à l’obscurantisme et un monde sans culture ».

Michel Ragon bouquiniste

Il connut la pauvreté, notamment lorsque sa mère vint en 1938 à Nantes pour subvenir aux besoins de la famille, son époux étant décédé six ans plus tôt. À Paris, il exerça toutes sortes de petits métiers pour vivre, dont le souvenir nourrira son livre Drôles de métiers. Il participa à l’aventure du groupe CoBrA en 1949, accompagna les artistes de l’art abstrait, de l’art informel, de l’art cinétique et de l’art brut. Collaborateur de la revue Cimaise consacrée à l’art abstrait, il publia L’Aventure de l’art abstrait, et de nombreuses monographies de peintre. En 1961, Jean-Marie Drot lui consacra le film intitulé : Michel Ragon, l’œil d’un critique.

Collection M. Ragon exposée au Centre Georges Pompidou

La fondation du GIAP (Groupe International d’Architecture Prospective) lui permit de défendre en 1965 les « utopies réalisables ».

Le décès sa mère, survenu en 1976, le conduisit à écrire L’accent de ma mère qui connut un grand succès. Cette quête de ses racines l’incita à poursuivre son investigation de la mémoire familiale et conduisit à la parution de Ma sœur aux yeux d’Asie, en 1982, évoquant sa demi-sœur ramenée d’Indochine par son père militaire. Au-delà de la veine familiale, la page sombre des guerres de Vendée l’intéressa dans ses dimensions de révolte paysanne.

Michel Ragon dans son bureau

Plusieurs romans (Les Mouchoirs rouges de Cholet, La louve de Mervent, Le Marin des sables …) s’inscrivirent dans cette veine, de même que plusieurs essais sur l’insurrection vendéenne. Enfin, dans D’une berge à l’autre et dans Le Regard et la Mémoire, il porta un regard rétrospectif sur son existence.

En guise d’épitaphe, le journal Le Monde du 15 février 2020 écrivit : « Les critiques d’arts qui ne se sont pas aujourd’hui un peu orphelins sont des ignorants, ou des crapules. »