Cet hommage, en présence de Michel Ragon et de son épouse Françoise, constituait l’un des temps forts de l’exposition-dossier qui lui est consacrée du 25 mai 2015 au 11 janvier 2016, au cinquième niveau du musée, dans le cadre de la nouvelle présentation des collections modernes 1905 – 1965 de l’établissement.
Dans son propos d’ouverture, Bernard Blistène, directeur du Musée national d’Art moderne, rappela le caractère prolixe de l’oeuvre de Michel Ragon, riche d’une centaine d’ouvrages et de près de mille articles, dans une « torsion permanente » entre la littérature, l’art plastique et l’architecture. Il présenta avec érudition l’itinéraire et la place très particulière de l’écrivain, poète, essayiste, romancier, critique d’art et d’architecture.
Jean-Michel Bouhours et Marie-Ange Brayer commentèrent pour leur part la philosophie et l’esprit de l’exposition, précisant le rôle et la mission attribués à chaque élément présenté, en lien avec le parcours artistique de Michel Ragon.
Roland Baridon, Professeur d’Histoire de l’art contemporain à l’Université Lumière-Lyon 2, s’attacha à présenter l’écrivain, ses engagements artistiques, sa lecture de l’art vivant, dans une volonté de réfléchir à une synthèse des arts dans un décloisonnement total qui s’étendrait à l’urbanisme et à la ville. Il souligna au passage, comme Gérard Blistène, l’importance de l’héritage libertaire et anarchiste de Michel Ragon, inscrit dans une véritable pensée sociale et politique. Soulignant les discontinuités voulues de l’exposition, il appréciait cette volonté d’explorer les transversales entre littérature, arts graphiques et architecture.
Richard Leeman, historien de l’art, professeur à l’université de Bordeaux Montaigne, mit l’accent pour sa part sur une certaine insolence à l’égard de l’ordre établi qui constitue une autre caractéristique de Michel Ragon, en dépit de la grande modestie que tous s’attachent à reconnaître au personnage. Il évoqua également la façon dont l’auteur s’est « sabordé » de façon délibérée en poésie pour aller vers la critique d’art, dans une volonté d’explorer d’autres horizons, d’une berge à l’autre, de la littérature à la critique d’art et à l’architecture. Car cette insolence accompagne surtout un humour permanent dont témoignent sa qualité de président d’honneur de la Société protectrice de l’humour, comme le canular contre Paulan qui le conduisit à imaginer le personnage fictif de Jules Penfao (alias Penfac), dont il s’est ouvert dans Le regard et la mémoire. Avec la complicité de James Guitet, auteur des gouaches du présumé Jules Penfao, les œuvres prêtées à ce dernier furent exposés en 1948 à la galerie Portes-de-France, à Paris.
Les différents intervenants mirent surtout en exergue les nombreuses amitiés fondatrices qui accompagnèrent Michel Ragon dans sa traversée de la seconde moitié du XXe siècle : Jean Atlan, Gaston Chaissac, Jacques Doucet, Jean Dubuffet, James Guitet, Hans Hartung, Nicolas Schöffer, Gérard Schneider, Pierre Soulages, Zao Wou Ki. Installé en 1947 dans la capitale, le jeune vendéen avait publié l’année précédente un premier texte critique consacré à Gaston Chaissac. Il accompagna dès leurs débuts les artistes de CoBrA, de l’art abstrait, de l’art informel, de l’art cinétique ainsi que de l’art brut. Plus tard, fondateur du Groupe International d’Architecture Prospective (GIAP), il défendra les « utopies réalisables » contre l’urbanisme fonctionnel de l’après-guerre.
Le second temps de la soirée fut consacré à la projection d’un film inédit, entretien filmé de Bernard Blistène avec Michel Ragon, réalisé en 2014, dans le cadre de l’appartement parisien de l’auteur, près du Grand Rex. Une conversation tonique permet à travers un témoignage lucide et apaisé de mieux comprendre l’itinéraire de l’auteur.
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