Lors de sa traditionnelle séance de printemps, dans la salle du premier étage du bâtiment dit du Harnachement, au château des Ducs de Bretagne, à Nantes, l’académie littéraire de Bretagne et des pays de la Loire a procédé à la remise des distinctions concernant le Grand Prix Jules Verne et le Prix de l’académie.
La séance fut ouverte à 18h00 par Dominique Pierrelée, chancelier de l’Académie, et par Michel Cocotier, conseiller municipal de Nantes, en charge du développement des pratiques artistiques en milieu scolaire et universitaire, de la lecture publique ainsi que du spectacle vivant et des arts de la rue. Patrick Barbier, vice-chancelier de l’académie, assurait l’animation de la séance et le passage de relais entre les différents intervenants.
Dominique Pierrelée mit l’accent dans son propos préliminaire sur l’importance de ce rendez-vous qui met l’accent, avant la période estivale, sur les travaux menés par l’académie dans son action de promotion de la littérature et des livres. Dans le prolongement de son propos, Michel Cocotier s’est félicité du partenariat établi de longue date entre l’Académie et la ville de Nantes, se félicitant de la concordance de vue dans la nécessité d’œuvrer de façon conjointe pour défendre les initiatives en faveur de la lecture.
Grand prix Jules Verne
Récompensant depuis 1981 un ouvrage de caractère vernien, le jury qui attribue ce prix est présidé par Christian Robin, vice-chancelier de l’académie. Il a été attribué à Antoine Laurain, pour son livre intitulé Les caprices d’un astre, publié par Flammarion.
Lors de sa présentation de l’ouvrage, Christian Robin mit en avant la construction littéraire voire cinématographique de ce dernier, alternant l’évocation d’une intrigue contemporaine et celle, plus historique car plusieurs siècles plus tôt, de l’étonnante malchance de l’astronome Guillaume Joseph Hyacinthe Jean-Baptiste Le Gentil de la Galaisière dans sa vaine tentative d’observation à Pondichéry du phénomène astronomique rare constitué par le transit de Vénus en 1761. Cette observation aurait dû permettre de déterminer avec précision la distance séparant la terre du soleil.
L’ouvrage relate son inconfortable voyage d’une durée de plus de 15 mois, contrecarré par le conflit entre la France et le Royaume-Uni. Les mouvements du bateau ne lui ayant pas permis à la date convenue d’opérer la mesure espérée, Le Gentil de la Galaisière prolongera de 8 ans son séjour afin de bénéficier d’un nouveau cycle pour son observation. Cette seconde tentative sera cette fois contrecarrée par la nébulosité. Cette étonnante malchance poursuivra le scientifique dans sa vie professionnelle et personnelle, raison de l’attachement vouée par l’auteur au personnage.
Dans un propos teinté d’humour, Antoine Laurain répondit à Christian Robin, qu’il remercia pour sa lecture attentive ainsi que pour ses remarques érudites sur les correspondances entre son personnage et les évocations des récits de Jules Verne.
Dominique Pierrelée procéda ensuite à la remise de son prix au Lauréat, tandis que Christian Robin lui remettrait en complément une invitation pour deux nuitées à l’hôtel Jules Verne de Biarritz, offert par la Société des hôtels littéraires, fondée par Jacques Letertre. Conçus par des amoureux des livres et de la littérature, ces hôtels ont vocation à recréer l’univers d’écrivains célèbres. L’ensemble de la décoration est pensé comme un hommage à l’auteur et à son œuvre. Un parcours d’exposition emmène les hôtes de passage sur les traces de l’écrivain, à travers des bibliothèques, des œuvres d’art et des citations, comme une invitation au voyage.
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Auteur de plusieurs romans, Antoine LAURAIN a publié aux Éditions Flammarion :
- Le Chapeau de Mitterrand
Prix Landerneau et prix Relay des voyageurs 2012 - La Femme au carnet rouge (2014)
- Rhapsodie française (2016)
- Millésime 54 (2018)
- Le Service des manuscrits (2020),
- Et mon cœur se serra (2021)
- Les caprices d’un astre (2022)
- Dangereusement douce (2023)
Ses livres sont traduits en plus de vingt langues et font l’objet d’adaptations pour le cinéma ou la télévision.
Prix de l’Académie
Attribué depuis 1951, le prix de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire distingue un roman ou un essai. Son jury est présidé par Ghislaine Lejard. Il distingue en 2023, Que reviennent ceux qui sont loin, de Pierre Adrian, publié chez Gallimard.
Lors de la présentation de l’auteur et de son livre, Michel Germain rappela que ce livre grave et léger évoque avec sensibilité l’état particulier, marqué d’impressions diffuses, de couleurs et de parfums oubliés, qui s’empare de ceux qui, sur le tard, reviennent en un lieu connu du temps de l’insouciance, quand le ciel était d’un azur perpétuel et le soleil permanent. Alors s’empare de vous le sentiment fragile de l’impermanence, de l’obsolescence de toute chose. Pierre Adrian a notamment su restituer la tonalité nostalgique de l’adolescence disparue. Son livre a obtenu le Prix Jean-René Huguenin en mémoire de l’auteur de La Côte sauvage, encensé par la critique, décédé prématurément en septembre 1962. L’ultime phrase du journal interrompu de ce dernier, le 20 septembre 1962, mentionnait : « Ne plus hésiter, ne plus reculer devant rien. Aller jusqu’au bout de toute chose, quelle qu’elle soit, de toutes mes forces. N’écouter que son impérialisme. »
Auteur talentueux, Pierre Adrian a déjà publié six ouvrages, dont deux avec son ami Philibert Humm. Il a notamment obtenu le prix des Deux Magots et le prix François Mauriac de l’Académie française pour La piste Pasolini, paru en 2015, le prix Roger Nimier pour Des âmes simples, paru en 2017. Il a également procédé à la réédition de L’inconnu me dévore, l’admirable œuvre posthume de Xavier Grall.
Dans sa réponse, Pierre Adrian évoqua le caractère autobiographique de son livre, avec l’évocation de la maison familiale du Finistère où se retrouvait chaque été un rassemblement composite de parents et de proches. Le retour plus tard du narrateur, héros du livre, en ce lieu, permet à ce dernier de comprendre avec acuité que ce qui semblait figé dans une sorte d’ennui d’apparent est devenu inexorablement le reflet d’un temps disparu, teinté de nostalgie. Ce roman universel évoque en fait la fragilité de la vie. Pour conclure, Pierre Adrian souligna l’attachement à la Bretagne que lui confère ses racines, avant que Dominique Pierrelée procède à la remise de son prix.
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Né le 29 juin 1991, Pierre Adrian vit aujourd’hui à Rome après une enfance en région parisienne avec ses cinq frères et sœurs. Chroniqueur au magazine L’Equipe. Lauréat en 2016 du prix des Deux Magots et du prix François-Mauriac de l’Académie française, pour La piste Pasolini, du prix Roger-Nimier en 2017 pour Des âmes simples et du Prix Jean-René Huguenin en 2022 pour Que reviennent ceux qui sont loin.
- La Piste Pasolini, éditions des Équateurs, 2015
- Des âmes simples, éditions des Équateurs, 2017
- Les Bons Garçons, éditions des Equateurs, 2020
- Que reviennent ceux qui sont loin, Gallimard, 2022
En collaboration avec Philibert HUMM :
- Le tour du monde par deux enfants d’aujourd’hui, 2018
- La micheline, tournée des bars de France, 2021
Prix du livre scientifique
À l’invitation de Dominique Pierrelée, Xavier Noël, trésorier de l’Académie, fut invité à présenter le nouveau prix littéraire qu’accordera l’académie littéraire de Bretagne et des pays de la Loire, à son initiative, en lien avec Nantes-Métropole. Nommé Prix Science et Société, il serait décerné en décembre pour la première fois.
Présentation du livre 1962, une Académie littéraire en bord de Loire
Noëlle Ménard, chancelier d’honneur, et Philippe Josserand présentèrent à deux voix l’ouvrage sur l’académie conjointement réalisé dans le but de présenter la trajectoire originale de cette institution fondée à Nantes le 7 décembre 1962.
Philippe Josserand rappela le caractère spécifique de cette série d’opuscules publiés par les éditions Midi-Pyrénéennes dont 47 titres sont parus depuis octobre 2018. La collection a pour principe de revisiter l’histoire d’une ville à partir d’une année marquante de la vie de la cité. Historiens confirmés, les auteurs effectuent une synthèse rigoureuse du sujet traité. Philippe Josserand est le directeur de la collection pour ce qui concerne Nantes, au même titre que d’autres historiens pour les villes de Bordeaux, Toulouse, Strasbourg ou Clermont Ferrand.
Pour Nantes, cet ouvrage est le sixième paru sur la ville après :
- 1460, Une université pour le duché de Bretagne
- 1598, Nantes et son édit
- 1716, Pauline, une esclave au couvent
- 1919, Jacques Vaché, l’exquis cadavre qu’on s’arrache (rédigé par Jean-Louis Liters, membre de notre académie)
- 1987, Dubigeon, La fin de la navale.
Noëlle Ménard évoqua pour sa part les circonstances peu connues du grand public de la création de l’académie au sortir de la seconde guerre mondiale, marquée par les personnalités respectives de ses chanceliers et la durée de leurs mandats respectifs. L’une des difficultés de la rédaction de l’ouvrage résulta notamment des impératifs de concision fixés à ce dernier.
Avant de clore la séance, Michel Cocotier procéda à la remise de la médaille de la ville de Nantes à chacun des lauréats, avant qu’Eric Chartier, membre de l’académie, n’évoque avec lyrisme et son talent confirmé d’acteur, un extrait de Le rouge et le noir, de Stendhal, publié en 1830. Il fit de nombreuses fois revivre ce texte, seul en scène, à l’instar de son autre spectacle Marcel Proust : À l’ombre de Combray. Pour lui « Le dire est une célébration de l’écriture, la page est partition. Sur l’établi du métier je la pétris éparse« .
En conclusion de la séances, les académiciens et le public présent furent invités à se retrouver avec les lauréats lors d’un sympathique cocktail offert par la municipalité, occasion de poursuivre les échanges et les dédicaces des ouvrages primés.