C’est à 18h00 que s’est tenue le mardi 15 juin 2021, au premier étage du bâtiment du Harnachement, dans la cour du Château des Ducs de Bretagne, la séance solennelle de l’Académie. Échéance attendue du calendrier, elle a permis de procéder à la remise du Grand prix Jules Verne et du Prix de l’Académie.
En raison de la pandémie qui a conduit à reporter la séance prévue l’année dernière, en juin 2020, la séance a permis de procéder à l’attribution de quatre prix (ceux de l’année dernière et ceux de l’année en cours) :
- – Le grand prix Jules-Verne 2020
- – Le grand prix Jules Verne 2021
- – Le prix de l’Académie 2020
- – Le prix de l’Académie 2021
La séance a été ouverte par Dominique Pierrelée, chancelier de l’Académie, accompagné de Michel Cocotier, Conseiller municipal délégué en charge de la lecture publique, du
spectacle vivant et des arts de la rue, du développement des pratiques artistiques en milieu
scolaire et universitaire, représentant Aymeric Seasseau, adjoint au maire de Nantes, délégué à la culture.
Dans son propos inaugural, Dominique Pierrelée a rappelé l’importance pour l’Académie de contribuer par les prix qu’elle accorde à promouvoir la littérature et la francophonie. Michel Cocotier a souligné pour sa part les différentes actions menées par la ville de Nantes en faveur de la lecture et le rôle essentiel joué par les bibliothèques.
Grand prix Jules Verne 2020
Le grand prix Jules Verne 2020 a été remis à Alain Quella-Villéger pour Pierre Loti, une vie de roman, publié par Calmann-Lévy, après la présentation de l’ouvrage et du lauréat par Michel Germain.
Le lauréat
Né en 1955 à Rochefort, Alain Quella-Villéger est professeur retraité de l’Éducation nationale. Docteur en lettres en histoire contemporaine, il a soutenu en 1987 une thèse de doctorat consacrée à Pierre Loti
Spécialiste des récits d’exploration, il est l’auteur ou le co-auteur avec Bruno Vercier de plusieurs ouvrages consacrés à Pierre Loti
- 2006 – 2018 : Journal intime inédit de Pierre Loti 5 volumes, 4000 pages
(Prix Émile Faguet de l’Académie française) - 2012 – Pierre Loti photographe en 2012
- 2008 – Chez Pierre Loti – Une maison d’écrivain
- 2005 – Pierre Loti, le pèlerin de la planète
- 2001 – Pierre Loti dessinateur
Alain Quella-Villéger s’est aussi intéressé à René Caillié :
- 2012 – René Caillié, l’Africain
- 1999 – René Caillié, une vie pour Tombouctou
- 1995 – René Caillié – Un voyageur controversé
L’ouvrage primé
Ouvrage biographique, ce livre évoque l’existence romanesque de Julien Viaud, né en 1850 à Rochefort, fils de Théodore et de Nadine son épouse. Reçu en 1867 à l’École navale, il parcourt le monde. De ses voyages, il dégage la matière de récits à dimension anthropologique.
Élu à l’Académie française en 1891, écrivain engagé, personnage fantasque, il rachète en 1871 sa maison natale de Rochefort qu’il transforme en lieu théâtral pour des fêtes mémorables auxquelles il convie le tout-Paris et le tout-Rochefort.
Appréciation du jury :
Le jury a relevé le caractère enlevé du livre qui l’apparente à un véritable roman d’aventure par son foisonnement, l’évocation fouillée des situations, la précision des détails. L’érudition magistrale est le résultat d’un compagnonnage fécond de plus de 40 ans avec Pierre Loti. Elle n’est jamais pesante, permettant au lecteur de comprendre au fil des 24 chapitres les multiples dimensions de la vie du personnage.
Le jury a aussi relevé la capacité du lauréat à restituer la complexité du personnage oscillant en permanence entre académisme (Officier de marine, Académie française) et fantaisie la plus extrême, dans une modernité d’avant-garde. L’ouvrage est complété par une bibliographie complète des œuvres de Loti et des récentes éditions critiques à son endroit.
Grand prix Jules Verne 2021
Le grand prix Jules Verne a été remis à Catherine Faye et Marine San Clemente pour leur livre intitulé L’année des deux dames, publié par Paulsen, après la présentation de l’ouvrage par Xavier Noël.
Les lauréates
Catherine Faye est journaliste indépendante, notamment pour Afrique Magazine et Géo, et auteure. Après L’Attrape-souci (Mazarine), paru en 2018, elle a publié L’Heure blanche en 2021(Fayard).
Marine Sanclemente, après avoir étudié le journalisme en France et en Turquie, s’est spécialisée dans le reportage. Elle travaille aujourd’hui à la rédaction du Figaro Voyage.
L’ouvrage primé
L’une est styliste pour Jeanne Lanvin puis reporter, l’autre est modéliste, journaliste et dessinatrice. Elles sont audacieuses et avant-gardistes.
En décembre 1933, Odette du Puigaudeau et Marion Sénones embarquent sur un langoustier breton en partance pour la Mauritanie, dans l’intention de traverser le désert à dos de chameau, sans mission officielle ni subvention.
Près d’un siècle plus tard, Catherine Faye et Marine Sanclemente, découvrent leur livre Pieds nus à travers la Mauritanie, paru en 1936.
Conquises par le témoignage des deux audacieuses voyageuses, elles décident de mettre leurs pas dans les leurs, pour raconter leur vie en marge, leur culot, leurs contradictions, explorer elles aussi ce pays, trait d’union entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, où perdure une culture nomade millénaire.
L’appréciation du jury
Le jury a apprécié la spontanéité de l’évocation du voyage par les deux journalistes parties en 2019 sur les traces de deux autres femmes ayant parcouru la Mauritanie entre 1934 et 1951. Leur récit conserve un certain recul et une distance critique à l’égard des personnages qui inspirèrent leur propre aventure.
Le ton est juste, le style enlevé. Ce que cette expérience riche d’émotions a suscité chez les deux journalistes est exprimé avec franchise et justesse. Dans le même temps, le lecteur dispose des clés pour comprendre, en dépit du décalage d’époque, ce que fut l’aventure d’Odette du Puigaudeau et de Marion Sénones il y a près d’un siècle.
Récit bien construit, captivant, mesuré aussi, car Odette et Marion ne sont pas exemptes de contradictions et de préjugés de leur milieu et de leur époque.
Les auteures ont fait un voyage dans des conditions parfois éprouvantes, conduit une enquête bien préparée et opiniâtre sur ce qui reste aujourd’hui dans la mémoire des personnes qu’elles ont rencontrées, des voyages de ces aventurières en Mauritanie dont le premier eut lieu cette année 1934, nommée « l’année des deux dames », signe que leur passage fut marquant pour les autochtones.
40ème anniversaire du Grand prix Jules Verne
Au terme de la remise des Grands prix Jules Verne 2020 et 2021, Christian Robin, vice-chancelier de l’Académie et président du jury du Grand prix Jules Verne a tenu à rappeler qu’en 1978, l’Académie de Bretagne avait distingué l’ouvrage intitulé Jules Verne, de Jean-Jules Verne, le petit-fils de l’écrivain, en lui attribuant le Grand prix de l’Académie de Bretagne. Le premier Grand prix Jules Verne fut attribué pour la première fois, en 1981, à Danielle Delouche, pour son livre La Malouine, publié par Flammarion.
Le quarantième anniversaire du Grand prix Jules Verne, en 2021, est marqué par le partenariat établi avec la Société des Hôtels Littéraires, dont le président, Jacques Letertre, explique en ces termes sa démarche : « J’ai créé la société des Hôtels Littéraires pour partager l’amour des livres avec ces milliers de visiteurs que je ne connais pas, mais qui, je le sais, sont heureux de retrouver un auteur ou un livre au hasard d’un voyage à Paris, à Rouen ou à Clermont-Ferrand. »
Les Hôtels Littéraires ont été conçus par des amoureux des livres et de la littérature pour recréer l’univers d’écrivains célèbres dans une ambiance quatre étoiles. L’ensemble de la décoration a été pensé comme un hommage à l’auteur et à son œuvre. Un parcours d’exposition vous emmène sur les traces de l’écrivain, à travers des bibliothèques, des œuvres d’art et des citations, comme une invitation au voyage…
Les différents hôtels littéraires
– Le Swann 75008 – Paris
– Gustave Flaubert 76000 – Rouen
– Alexandre Vialatte 63000 – Clermont-Ferrand
– Marcel Aymé 75018 – Paris
– Arthur Rimbaud 75010 – Paris
– Jules Verne 64200 – Biarritz
Dans le cadre du partenariat de l’académie avec Les Hôtels Littéraires, les lauréates du Grand Prix Jules Verne 2021, Catherine Faye et Marine Sanclemente se voient offrir, en complément de leur prix, une invitation pour un séjour de deux nuits dans l’hôtel Jules Verne de Biarritz.
Prix de l’Académie 2020
Le prix de l’Académie 2020 a été remis à Grégoire Kauffmann pour son livre intitulé Hôtel de Bretagne, publié par Flammarion, après la présentation de l’ouvrage par Jean-Louis Liters.
Le lauréat
Grégoire Kauffmann, maître de conférences à Sciences Po Paris, est docteur en histoire, spécialiste des droites radicales.
Sa biographie d’Edouard Drumont, le fondateur en 1892 de La Libre Parole, parue en 2008, a reçu le prix du livre d’histoire décerné par le Sénat et le prix Guizot de l’Académie française.
Il est le fils de Joëlle Brunerie-Kauffmann et de Jean-Paul Kauffmann.
L’ouvrage primé
L’accroche : une sobre couverture blanche avec au centre l’image du lieu où va se jouer une bonne partie du roman, l’Hôtel de Bretagne. En quatrième de couverture l’annonce du sujet : « 9 août 1944, Quimperlé, Finistère sud », et sur un bandeau rouge : « Une famille française dans la guerre et l’épuration ».
L’écrivain et historien Grégoire Kauffmann enquête sur plusieurs exécutions à la Libération de collaborateurs et notamment d’un dénommé Adolphe Fontaine ayant servi dans l’organisation Todt, le groupe de génie civil et militaire du Troisième Reich. Il veut notamment savoir le rôle tenu par son grand-père maternel Pierre Brunerie, militaire et chef de la Résistance dans le pays quimperlois.
Le lien avec l’Hôtel de Bretagne ? Situé en face de la gare de Quimperlé l’établissement accueillait des résistants et des Allemands y logeaient. Il a été tenu par trois générations de femmes de la même famille ; la dernière, Imelda, était l‘épouse de Pierre Brunerie.
L’appréciation du jury
432 pages d’un roman haletant. Unité de lieu, de temps et d’action.
Un roman situé à Quimperlé (Finistère) en un lieu que chacun peut reconnaître.
Un roman sur une période dramatique de notre histoire récente.
Un roman d’évasion parfaitement construit.
Une véritable enquête.
Un roman d’autant plus attachant qu’il est le récit d’un moment de l’histoire familiale de l’auteur.
Prix de l’Académie 2021
Le prix de l’Académie 2021 a été remis à Marie Sizun pour son livre intitulé La maison de Bretagne, publié par Arléa, après la présentation de l’ouvrage par Annie Ollivier.
La lauréate
Marie Sizun, agrégée de lettres, a enseigné en France, puis en Allemagne et en Belgique, avant de se consacrer à l’écriture. Son premier roman Le Père de la petite est paru en 2005. Fidèle à son éditeur Arléa, elle a publié depuis huit autres romans dont :
La Femme de l’Allemand (2007, prix des Lectrices de ELLE, prix des Lecteurs du Télégramme deBrest), Un léger déplacement (2012, prix des Bibliothèques pour Tous, prix Charles Exbrayat) et deux recueils de nouvelles Vous n’avez pas vu Violette ? (2017, prix de la Nouvelle de l’Académie française) et Ne quittez pas (2020).
La Gouvernante suédoise (2016, prix Bretagne) et Les Sœurs aux yeux bleus (2018) sont inspirés de son histoire familiale. Elle y évoque ses origines suédoises et les Pays de La Loire. La Bretagne dont lui vient son pseudonyme, elle la découvre à six ans. C’est sa terre d’adoption. Elle y vit une partie de l’année.
L’ouvrage primé
Claire quitte Paris pour rejoindre l’île-Tudy. Elle est bien décidée à vendre la maison de famille où elle a passé tous les étés de son enfance.
Un évènement imprévu bouleverse ses plans. Tout à coup, tout le passé resurgit. Le départ du père, la mère absente, la sœur ignorée, la grand-mère protectrice, tous les non-dits vont resurgir dans cette maison « des veuves ».
Les souvenirs douloureux cicatrisent au fil des jours.
L’appréciation du jury
Le jury a été sensible à la qualité d’écriture simple et lumineuse et à la sensibilité de ce récit. Marie Sizun excelle à décrire les résurgences de la mémoire, l’eau trouble des souvenirs enfouis, les silences et les non-dits, la complexité des relations familiales et des sentiments, mais aussi l’apaisement du cœur qui vient avec le temps et le sentiment d’appartenance résultant de l’attachement à une terre d’élection, la Bretagne. Le peintre qu’elle est également, a utilisé une palette subtile pour décrire la mer, les ciels, la lumière et cette maison de Bretagne consolatrice.
A l’issue de la cérémonie, Michel Cocotier a remis la médaille de la ville de Nantes aux lauréats et lauréates, au nom de Joanna Rolland, Maire de Nantes.